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j’entrai dans la maison, montai l’escalier, sonnai à la porte de Juliette… Ce fut la mère Sochard qui m’ouvrit.

— Dites à Madame, criai-je, dites à Madame que je veux la voir, tout de suite, lui parler… Dites-lui aussi que si elle ne vient pas, c’est moi qui irai la trouver, qui l’arracherai du lit, entendez-vous !… Dites-lui…

La mère Sochard, toute pâle, tremblante, balbutiait :

— Mais, mon pauvre monsieur Mintié, Madame n’est pas là… Madame n’est pas rentrée…

— Prenez garde, vieille sorcière !… Ne vous foutez pas de moi, hein !… et faites ce que je commande… Ou, sinon, Juliette, vous, les meubles, la maison, je casse tout, je tue tout…

La vieille domestique levait les bras au plafond, d’un geste effaré…

— En vérité du bon Dieu ! s’exclama-t-elle… Puisque je vous dis que Madame n’est pas rentrée, monsieur Mintié !… Allez dans sa chambre, vous verrez bien !… puisque je vous le dis !

En deux bonds, je me précipitai dans la chambre… la chambre était vide… le lit n’avait pas été défait. La mère Sochard me suivait pas à pas, répétant :

— Voyons, monsieur Mintié !… Voyons !… Puisque vous n’êtes plus ensemble, à c’t’heure !…

Je passai dans le cabinet de toilette… Tout y était en ordre, comme lorsque nous rentrions, le soir, tard… Les affaires de Juliette rangées sur le divan, la bouillotte pleine d’eau, posée sur le fourneau à gaz…

— Et où est-elle ? demandai-je.