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vous… Perdu !…mais il n’existe pas un crime, entendez-vous bien, un crime, si monstrueux et si bas soit-il, que le pardon ne puisse racheter… non pas le pardon de Dieu, non pas le pardon des hommes, mais le pardon de soi-même, qui est autrement difficile et meilleur à obtenir… Perdu !… Je vous écoutais, mon cher Mintié, et savez-vous à quoi je pensais ?… Je pensais que vous avez l’âme la plus belle et la plus noble que je connaisse… Non, non… un homme qui s’accuse comme vous faites… non, un homme qui met dans la confession de ses fautes les accents déchirants que vous y avez mis… non, celui-là n’est pas un homme perdu… Il se retrouve au contraire, et il est près de la rédemption… L’amour a passé sur vous, et il y a laissé d’autant plus de boue que votre nature était plus généreuse et plus délicate… Eh bien ! il faut vous laver de cette boue… et je sais où est l’eau qui l’efface… Vous allez partir d’ici… quitter Paris…

— Lirat ! suppliai-je… ne me demandez pas de partir ! Vingt fois je l’ai tenté et je n’ai pas pu.

— Vous allez partir, répéta Lirat, dont le visage, tout à coup, s’assombrit… Sinon, je me suis trompé, et vous êtes une canaille !

Il reprit :

— Il y a, au fond de la Bretagne, un village de pêcheurs qui s’appelle Le Ploc’h… L’air y est pur, la nature superbe, l’homme rude et bon. C’est là que vous allez vivre… trois mois, six mois, un an, s’il le