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— Sans doute, j’ai mon Amour en terre cuite… quel rapport ça a-t-il ?… Il est très, très, très joli, mon Amour en terre cuite… Tandis que ça, vraiment !… Et puis ça n’est pas convenable !… D’abord, moi, chaque fois que je regarde de la peinture de ce fou de Lirat, ça me donne mal à l’estomac !

J’avais autrefois la fierté de mes admirations artistiques, et je les défendais jusqu’à la colère. Cela m’eût paru très puéril d’engager avec Juliette une discussion d’art, et je me contentai d’enfouir les deux tableaux, au fond d’un placard, sans trop de regrets.

Il arriva, un jour, que tout se trouva dans un ordre admirable ; chaque chose à sa place, les menus objets coquettement disposés sur les tables, les consoles, les vitrines ; les pièces décorées de plantes aux larges feuilles, les livres dans la liseuse à portée de la main, Spy dans sa niche neuve, et partout des fleurs… Rien ne manquait, rien, pas même, sur une table de travail, une rose dont la tige baignait en un vase de verre, effilé… Juliette rayonnait, triomphait, ne cessait de me dire :

— Regarde, regarde encore, comme ta petite femme a bien travaillé !

Et penchant la tête sur mon épaule, les yeux attendris, la voix émue sincèrement, elle murmura :

— Oh ! mon Jean adoré, nous sommes chez nous, maintenant, chez nous, tu entends bien… Comme nous allons être heureux, là, dans notre joli nid !…

Le lendemain, Juliette me dit :