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ah ! ah ! son Spy, cet animal ridicule qu’elle aimait avec des tendresses et des mots de concierge ! Et, tout en marchant, je donnais des coups de pied dans le vide, à un Spy imaginaire, et je disais, parodiant la voix de Juliette : « Oh ! amour, va !… Oh ! le bon chien !… Oh ! petit amour de Spy chéri. » Faut-il l’avouer, je lui en voulais aussi de ne m’avoir pas dit un mot de mon livre. Qu’on ne m’en parlât pas dans la vie ordinaire, cela m’était à peu près indifférent ; mais, d’elle, un compliment m’eût charmé ! Savoir qu’elle avait été émue à une page, indignée à une autre, je l’espérais. Et rien !… pas même une allusion ! Cependant, je me rappelais, je lui avais adroitement fourni l’occasion de cette… politesse.

— Décidément, c’est une grue ! m’écriai-je, en sonnant à la porte de Lirat…

Lirat me reçut les bras ouverts.

— Ah ! mon petit Mintié, s’exclama-t-il, c’est très chic, de venir dîner avec moi… Et vous arrivez bien, je vous le dis… nous avons la soupe aux choux.

Il se frottait les mains, semblait tout heureux… Il voulut me débarrasser de mon pardessus et de mon chapeau, et, m’entraînant dans la petite pièce qui lui servait de salon, il répéta :

— Mon petit Mintié, je suis joliment content de vous voir… Viendrez-vous demain à l’atelier ?

— Certainement.

— Eh bien, vous verrez !… vous verrez !… D’abord, je lâche la peinture, comprenez-vous ?…