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Et je revis, qui descendait du ciel, la belle vierge de Saint-Michel, la radieuse vierge de plâtre, avec son manteau constellé d’argent, et son nimbe d’or… Tout autour d’elle, les astres tournaient, s’inclinaient, pareils à des fleurs célestes, et des colombes, ivres de prières, volaient en la frôlant de leurs ailes… Je me rappelai les extases, les transports d’adoration mystique où elle me ravissait ; toutes les joies, si douces, que j’avais éprouvées, rien qu’à la contempler. Ne me parlait-elle pas, aussi, là-bas dans la chapelle ? Et ce langage inexprimé, qui coulait dans mon âme d’enfant des tendresses ineffables, ce langage plus harmonieux que la voix des anges et le chant des harpes d’or, ce langage plus parfumé que le parfum des roses, ce langage n’était-il point le langage divin de l’amour ? À mesure que j’écoutais, de tous mes sens, ce langage qui était une musique, j’étais enlevé dans un monde inconnu et merveilleux ; une féerique vie nouvelle germait, éclatait, florissait autour de moi. L’horizon se reculait jusqu’à l’infini du mystère : l’espace resplendissait comme un intérieur de soleil, et, moi-même, je me sentais devenu si grand, si fort, que, d’un seul embrassement, j’étreignais sur ma poitrine tous les êtres, toutes les fleurs, toutes les nuées de ce paradis, né du regard d’amour qu’avaient échangé une vierge de plâtre et un petit enfant.

— Vierge, bonne Vierge, m’écriai-je… Parle-moi, parle-moi encore, comme jadis tu me parlais dans la chapelle… Et redonne-moi l’amour, puisque l’amour,