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tait… Sur la chaise qu’elle venait de quitter, je la revoyais incertaine et plus charmante, avec ce sourire tendre, lumineux, qui rayonnait d’elle, et lui faisait un halo d’amour.

— Qui donc est cette femme ? fis-je tout d’un coup et d’un ton que je m’efforçai de rendre indifférent.

— Quelle femme ? dit Lirat.

— Mais celle qui sort d’ici, parbleu !

— Ah ! oui !… mon Dieu ! c’est une femme comme les autres.

— Je pense bien… Cela ne me dit pas comment elle s’appelle, ni qui elle est…

Lirat fouillait dans sa boîte de pastels… Il répondit négligemment :

— Ça vous intéresse donc, vous, de savoir comment une femme s’appelle ?… Drôle de curiosité !… Elle s’appelle Juliette Roux… quant à des renseignements biographiques, la police des mœurs vous en fournira autant que vous voudrez, j’imagine… Je présume que Mlle Juliette Roux se lève tard, qu’elle se fait tirer les cartes, qu’elle trompe et qu’elle ruine, le plus qu’elle peut, ce pauvre Charles Malterre, un brave garçon que vous avez rencontré ici, quelquefois, et dont elle est la maîtresse pour l’instant… Enfin, elle est comme les autres, avec cette aggravation qu’elle est plus jolie que beaucoup, par conséquent plus bête et plus malfaisante… Tenez, ce divan, là, où vous êtes, c’est Charles qui l’a démoli, à force de se coucher dessus et d’y pleurer des journées entières, en me racontant