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photographies de la basilique de Sainte-Anne, il me conduisit à une espèce de réduit qui exhalait une odeur forte de vieille pipe et de cuir mouillé. Au milieu du réduit était un bureau. Sur le bureau, parmi des débourroirs, des blagues brodées de fleurs de lys, d’anciens culots épars, s’étalaient le journal La Croix, l’Univers, et une publication mensuelle, le Saint-Yves « revue de sciences sociales » qui se rédige à Rennes. Tandis qu’il retirait de l’armoire la bouteille de vermouth, j’ouvris au hasard le Saint-Yves, « revue des sciences sociales » et je lus :

« Aucun, parmi les saints bretons, et même parmi les saints français et étrangers, ne ressuscita autant de morts que saint Yves, notre glorieux patron. Outre les quatorze morts qu’il rappela à la vie, ainsi que tout le monde le sait, le jour même de sa béatification, il ressuscitait de préférence les enfants et les vieillards, quelquefois aussi des marins. »

Cette étude sociale de la vie de saint Yves était signée par un médecin, professeur de biologie à la faculté de Rennes. Je demeurai rêveur en songeant aux étonnants et multiples pouvoirs des saints bretons, et, par le souvenir, je revis dans la belle cathédrale de Quimper une stupéfiante fresque de Yan Dargent, au bas de laquelle brille, en caractères gothiques,