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relles broderies. Il est vrai que les toitures s’effondrent, qu’elles montrent, par places, la carcasse des charpentes gauchies, mais elles gardent de nobles inflexions, d’imposantes lignes architecturales. Les fenêtres sont spacieuses, avec de belles courbes et des restes de balcons de fer ouvragé, mais presque toutes sont murées, à cause des contributions. Le perron monumental, à double escalier, conserve de curieux vestiges d’un art local, des fragments d’intéressantes sculptures ; mais la rampe en est détruite, et des abîmes béent entre les marches écroulées. Au milieu de la façade, sous un avancement triangulaire du toit, dans une sorte d’œil-de-bœuf, récemment transformé en niche, verdit une vierge de plâtre, protectrice de ces lieux. Des fossés, presque comblés aujourd’hui, et bordés d’une double rangée de sapins, séparent le château de la ferme et des communs, quatre misérables chaumines qui, sans cesse, soufflent l’âcre odeur des purins et les fétides relents de la crasse humaine. Partout l’œil se cogne à d’immédiats et infranchissables remparts de verdure. Aucun horizon, aucune échappée, excepté de la cour herbue, défoncée par les charrois, piétinée par les troupeaux, de la cour décorée du nom pompeux de place d’armes, où l’on aperçoit par une étroite fissure dans les chênes et les châtaigniers de