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— Ça l’amuse sans doute de toujours répéter ça, le pauvre petit malheureux !… gémit la grosse femme, en haussant les épaules d’un air de pitié… Ça l’amuse… Ah ! dame oui !

Je me suis promené dans le bois de la Chaise. Des femmes y travaillaient courbées sur la bruyère, levaient la tête à mon approche et me souriaient. Des lapins déboulaient de leurs gîtes, montrant une seconde la houppe blanche de leur derrière, puis disparaissaient dans des trous de rocher. De place en place, des chalets tout neufs, et brillant comme des joujoux, surgissaient dans la verdure, entourés d’une mince palissade, ou bien campés dans le bois, au hasard, ainsi que des jouets qu’aurait oubliés un enfant. Cloués au tronc des arbres, il y avait partout des écriteaux où on lisait : À louer, la villa des Glaïeuls, la seule où se trouve un piano. C’était une véritable obsession que cette villa et que ce piano. Et j’eus un frisson à la pensée qu’elle me poursuivrait peut-être sur les grèves, et sur les dunes, que je la retrouverais au large et que les goélands me l’apporteraient dans leur cri plaintif. Déjà la Valse des