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contre les braconniers qui enlevaient aux chasseurs le plaisir d’une plus vaste tuerie, la joie d’un plus complet massacre.

L’un d’eux émit cette idée que je traduis en langage connu :

— Pourquoi le gouvernement n’autorise-t-il pas la chasse au braconnier ? Pourquoi les préfectures ne paient-elles pas les pattes d’un braconnier mort, comme elles font pour les loups ?… Pourquoi l’Institut Pasteur ne vend-il pas des fioles qui donneraient aux braconniers des infections mortelles, comme il fait pour les campagnols et les mulots ?… Pourquoi n’abat-on pas les braconniers pour les boucheries militaires ?

Chaque interrogation était, par tous les autres chasseurs, accompagnée de vociférations approbatrices et de taïauts forcenés, qui couvraient le bruit du train en marche et les sifflements de la locomotive.

Nous voici dans la plaine. Le ciel est bas ; un vent aigre et glacé souffle du Nord-Ouest. Une brume sale tombe sur les coteaux, enveloppe les champs d’une tristesse indicible. Les chasseurs marchent, écrasent les mottes de terre, retournent du talon de leurs bottes les emblaves