Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« À ce propos, il faut que je vous dise l’idée géniale et, je crois, essentiellement révolutionnaire que j’avais eue. Je voulais faire construire, pour l’été prochain, un vaste — comment appeler cela ? — un vaste cucumodrome, installé selon les derniers progrès de l’architecture moderne. Là, j’aurais donné, tous les jours, des courses de concombre fugitif… J’en avais parlé à M. Quentin-Bauchart, qui s’était montré fort enthousiaste pour cette idée. Il m’avait même promis d’obtenir du Conseil municipal qu’il allouât un prix annuel de quarante mille francs, afin d’encourager et de développer, parmi les concombres et les autres plantes, désireuses de participer au grand mouvement moderne, le goût des exercices physiques athlétiques et patriotiques, qui ne peut que leur être profitable et salutaire, en même temps qu’il lancerait la Botanique dans une voie réformatrice et absolument nouvelle. Grâce à votre Alphonse Allais, encore une idée démocratique à vau-l’eau !…

« Enfin, comme on ne sait jamais ce qui peut arriver, j’ai fait tambouriner le concombre fugitif, dans toutes les rues de Granville. J’ai promis à qui me le ramènera, vivant ou mort, des récompenses épatantes. Mais je n’ai pas confiance. Il est probable que celui qui le tient, le tient bien… Seulement, s’il s’imagine qu’il