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d’y rechercher le trouble exquis et furieux, par quoi il avait été si étrangement secoué… Il esquissa un geste impudique, et faisant craquer le lit, sous une violente pesée de son corps, il dit, dans un ricanement :

— Toi, gredine, je te repincerai !

Le lendemain, à l’heure habituelle, l’abbé Jules, un peu pâle, entra dans le cabinet de Monseigneur. Celui-ci lui remit le courrier, et lui dit, d’une voix très douce, hésitante et qui tremblait :

— Eh bien !… Je suis à vous, mon cher enfant… Que vouliez-vous me dire ?

— Moi ? fit l’abbé d’un air surpris… Rien, Monseigneur…

— Mais si !… vous vouliez me dire quelque chose… quand vous êtes venu, cette nuit… dans ma chambre.

L’abbé regarda l’évêque fixement, effrontément.

— Moi ?… Je suis venu, cette nuit, dans votre chambre ?… Moi ?

— Mais oui… voyons… vous ne vous souvenez pas ?… Cette nuit ?…

L’abbé secoua la tête, et d’un ton bref :

— Je ne suis pas venu cette nuit dans votre chambre… Vous avez rêvé.

L’hiver qui suivit n’amena pas de grands événements à l’évêché, et les mois passèrent, monotones et calmes, sans une seule secousse. Toute l’agitation de l’abbé semblait avoir disparu. Du moins, il se manifestait peu au dehors, négligeait son service, se désintéressait même des affaires du diocèse qu’il bâclait à la