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Il revenait à son rabat égaré.

— Et ton rabat, misérable ? Quelqu’un demain le trouvera et dira : « C’est là qu’il s’est vautré ». Hé ! tant mieux, qu’on le dise ; qu’on aille, courant dans les rues et clamant : « Il s’est vautré là ! » Au moins, ma honte sera complète, et l’on me poursuivra peut-être à coup de bâton, comme l’on fait pour les chiens accouplés.

Il avait un tel écœurement de sa vie passée, de sa vie présente, un tel effroi de sa vie à venir, qu’il ouvrit la fenêtre, se pencha sur la rampe de la terrasse, mesura le vide au-dessous de lui.

— Non, fit-il en reculant… Il y a peut-être un Dieu !

Et malgré son exaltation, il ne put s’empêcher de sourire à cette idée : le suicide d’un prêtre, qui lui parut bizarre et comique. Cela détendit un peu ses nerfs ; plus calme, il se laissa entraîner vers d’autres pensées. Dans leur déroulement rapide, il se promettait de dures expiations, entreprenait des pèlerinages extravagants et nouveaux, les pieds nus, la corde au cou, se dévouait à d’absurdes apostolats. Oui, il irait à travers le monde, évangélisant les adultères et les prostituées, prêchant la continence aux débauchés. Mais, auparavant, il voulait demander pardon à sa mère, au bon curé Sortais, au grand vicaire, à l’archiprêtre, à tous ceux qu’il avait persécutés. Puis, au bout d’un chemin planté de calvaires, semé de couronnes d’épines et de ronces, il entrevoyait, comme un refuge de lumière, la Trappe, la paix de ses longs