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pour exprimer sa reconnaissance. La gorge serrée par l’émotion, défaillante et ravie, elle ne pouvait que balbutier :

— Oh ! monsieur le curé !… monsieur le curé !

— Na ! na !… Me croirez-vous une autre fois, dites, me croirez-vous, madame saint Thomas ? Et ça n’est pas fini, allez !… Votre fils deviendra évêque, le cher enfant !… Évêque, vous entendez bien, aussi vrai que deux et deux font quatre.

Évêque ! Il s’agissait bien de cela, maintenant ! Elle le voyait sous des coupoles vertigineuses, resplendissant d’or, portant la tiare aux trois couronnes, commander aux âmes des rois de la terre, prosternés à ses pieds.

Suivant un usage touchant, ce fut dans l’église de Viantais que l’abbé Jules célébra sa première messe, au milieu d’une pompe inaccoutumée, entouré de toute la population qui l’avait connu enfant. Et il arriva, à cette occasion, une chose mémorable dont on parle encore, dans le pays, et dont on parlera longtemps. Le jeune prêtre monta en chaire, et là, devant tous, il fit la confession générale de ses erreurs et de ses péchés. Dès les premières paroles, tombées de ses lèvres, une stupeur envahit la foule des fidèles.

— Mes très chers frères, s’écria-t-il, d’une voix sourde et tremblante, je suis un grand pécheur. À peine si la vie commence pour moi, et, déjà, mon âme est plus lourde de crimes, plus chargée d’iniquités que celles des vieillards impurs et des conquérants. C’est