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Mme Dervelle sanglotait.

— Mais il sacrait, monsieur le curé, il sacrait comme un païen.

— Ta, ta, ta, ta !… il sacrait !… C’est bien évident, qu’il sacrait… Mais c’est l’esprit du mal qui s’en allait, ma bonne petite dame… Jules veut se faire prêtre !… ah ! remerciez bien le bon Dieu !… Pour moi, voyez-vous, c’est un des plus éclatants triomphes de la foi. Cela rappelle saint Augustin… Oui, votre fils sera un second saint Augustin… Quel honneur pour vous, pour la paroisse, pour l’Église !… Ah ! c’est un grand miracle !…

— Monsieur le curé, monsieur le curé, gémissait la mère infortunée et tout en larmes, monsieur le curé, ne vous trompez-vous point ?

— Na !… na !… remettez-vous, ma bonne dame… na ! non, je ne me trompe pas, allez !… c’est un immense miracle !… Je dirai demain une messe d’actions de grâce… na !… voyons… ne pleurez plus, remettez-vous, na !

Deux mois après, Jules entrait au grand séminaire de S…

À quel sentiment avait-il obéi, en prenant cette détermination si imprévue ? S’était-il tracé, dans ce métier du prêtre, un plan d’existence à venir, en somme indépendante et facile, au regard des autres métiers ?… Ne s’était-il laissé guider que par son goût des mystifications excessives et des sacrilèges bravades ?… Peut-être n’était-il pas aussi perverti qu’il aimait à le