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orbe inerte et pâle. Un instant, il parut me reconnaître ; mais ce ne fut qu’une lueur passagère qui s’éteignit aussitôt…

— Mon oncle ! dis-je, mon oncle, je suis Albert… votre petit Albert… ne me voyez-vous pas ?…

Il continua de me regarder fixement et d’une voix douloureuse, sans articuler les paroles qui tombaient de ses lèvres, ainsi que des sanglots, il chantonna :


C’que j’ai sous mon jupon
Lari ron
C’que j’ai sous mon jupon…


À partir de ce moment, le cousin Debray ne se promena plus dans le jardin. Il restait dans la bibliothèque, l’oreille aux écoutes, apparaissant dans le couloir, au moindre bruit venu de la chambre. Chaque fois que mon père ou que ma mère sortaient, il était là, toujours devant eux, en face de la porte, les paupières bouffies, l’œil soupçonneux :

— Eh bien ?… Ça va toujours plus mal ?

— Plus mal, oui !

— Ah !… Vous savez, il faudra mettre les scellés partout !

Chaque matin, la Poule lui apportait une bouteille de cidre, un pain de trois livres, des tranches de viande froide. Il mangeait dans la bibliothèque ; il y dormait aussi, la nuit, allongé dans le grand fauteuil de mon oncle, se réveillant toutes les heures, pour venir écouter à la porte, et se rendre compte des progrès de