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— Pauvre petite ! gémit mon oncle, tout attendri… Regarde-là, gentiment, cette pauvre petite… Il faut être bon avec les petits et les souffrants.

Et s’adressant à la pauvresse :

— Viens, pauvre petite… viens jusque chez moi… Je te donnerai de l’argent… Serais-tu contente d’avoir dix francs ?

Étonnée, heureuse, la mendiante se mit à nous suivre discrètement. Auprès des Capucins, mon oncle se retourna, et voyant la petite guenilleuse qu’il avait oubliée.

— Qu’est-ce que tu veux ? s’écria-t-il… Pourquoi nous suis-tu, voleuse ?

Interdite, ouvrant de grands yeux, elle ne répondit pas.

— Mais c’est vous, mon oncle, hasardai-je, c’est vous qui lui avez dit de venir…

— Comment, c’est moi ?… Tu plaisantes… Est-ce que je la connais ?… Une coureuse de cabaret… de la chair à roulier !… allons, va-t’en !

Enfin, de même que le cousin Debray, j’entrai dans la bibliothèque. Cet événement considérable arriva un jour de pluie. En m’introduisant dans le sanctuaire redoutable, mon oncle me tint ce discours :

— Tu vois !… Ce sont des livres !… Et ces livres contiennent tout le génie humain… Les philosophies, les systèmes, les religions, les sciences, les arts sont là… Eh bien ! mon garçon, tout ça ce sont des mensonges, des sottises, ou des crimes… Et rappelle-toi