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très incertain, et j’espérais que, par un mot, par une phrase, « sur le cousin et la poule », mes parents allaient dissiper les brumes qui couvraient le mystère, désiré et redouté.

Mon père remonta la lampe qui charbonnait et vint se rasseoir. Il avait sans doute réfléchi, car, voyant sa femme toujours songeuse et inquiète, il tapa tendrement sur ses genoux.

— Allons ! mignonne. Ne te casse pas la tête, va !… Et prenons notre parti de ce qui arrive… Dieu merci ! nous ne manquons de rien… Et j’en serai quitte pour travailler un peu plus vieux, voilà tout !…

Gaiement, il ajouta, en manière de plaisanterie :

— Si seulement nous avions une bonne épidémie, de temps en temps !

Mais ma mère se révolta. D’une voix dure, accompagnée d’un geste résolu :

— Non !… décida-t-elle… Il ne sera pas dit qu’on se sera moqué de nous ainsi… Je suis déterminée à me défendre ! D’abord… D’abord, il faut que tu ailles aux Capucins !…

— Moi ! fit mon père, qui tressauta sur son siège… moi !… Ah ! mais non !… Ah ! mais non !

— Attends donc avant de dire non… Mon Dieu ! que tu es bien de ta famille !

Et, parlant plus vite, elle reprit :

— Il faut que tu ailles aux Capucins… Comprends-moi… Tu verras ton frère… Sans t’humilier, sans pleurnicher, sans implorer une réconciliation, tu lui