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ciles ? Est-ce que c’est une position pour moi ?… Non, là, franchement, est-ce une position ?

Mme Dervelle laissa tomber son tricot sur ses genoux, découragée.

— Comment ! tu as une cure excellente… ton presbytère est charmant… Tu peux y vivre le plus heureux des hommes… mais, qu’est-ce qu’il te faut, grand Dieu ?

Jules recommença de marcher, frappant du pied.

— Ce qu’il me faut ?… Le sais-je ?… Autre chose, voilà tout !… Je sens qu’il y a en moi des choses… des choses… des choses refoulées et qui m’étouffent, et qui ne peuvent sortir dans l’absurde existence de curé de village, à laquelle je suis éternellement condamné… Enfin, j’ai un cerveau, j’ai un cœur !… j’ai des pensées, des aspirations qui ne demandent qu’à prendre des ailes, et à s’envoler, loin, loin… Me battre, chanter, conquérir des peuples enfants à la foi chrétienne… je ne sais pas… mais curé de village !…

Il poussa un long soupir, suivi aussitôt d’un grognement de colère.

— Curé de village, ou paître des oies, le long des routes, c’est tout un !… Te souviens-tu du gros abbé Gibory ?

— Qui était si drôle ? interrompit ma grand’mère, croyant ramener un peu de gaieté dans les yeux de son fils… Ah ! si je m’en souviens !… Il nous a tant fait rire autrefois.