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nome et délicate, soigneuse des plus menus détails, toute sa piété de mère tendre. Elle-même avait choisi la cuisinière, ni trop vieille, ni trop jeune, le jardinier pouvant servir à toutes besognes ; elle avait réglé les dépenses journalières, donné aux gens et aux choses la direction d’une ménagère accomplie. Un soir, après le dîner, la table desservie, Mme Dervelle tricotait ; Jules, le front soucieux, rêvait. Depuis que le vicaire était parti, tous deux n’avaient pas échangé une parole.

— Eh bien ! mon enfant ?

— Quoi ?

— À quoi penses-tu ?

— À rien !

— Seras-tu plus sage, plus tranquille, maintenant ?

— Oui, maman.

Et Jules se leva, marcha dans la salle, fébrile, nerveux, déplaçant les chaises.

— Tu dis oui, soupira Mme Dervelle, d’un ton qui ne me rassure guère, mon pauvre Jules… Et puis, je te vois toujours agité, préoccupé… On ne peut te dire un mot, sans qu’aussitôt, brrrout !… tu ne partes, tu ne partes !… Souffres-tu ?

— Non !

— Alors qu’est-ce que tu as ?

— Je n’ai rien !…

Et tout d’un coup, s’arrêtant de marcher, il s’écria :

— C’est vrai aussi ! qu’est-ce que tu veux que je fasse dans ce pays perdu, au milieu de tous ces imbé-