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Comment se peut-il qu’il y ait des âmes comme ça ?… Cela m’épouvante…


Deux mois après, Jules était nommé curé de Randonnai.

Il arriva, un samedi matin, très maussade, juste à temps pour enterrer le notaire du pays. L’enterrement fut magnifique et de première classe. Cela dérida un peu le nouveau curé qui, en balançant l’aspergeoir autour du catafalque, se dit : « Je débute bien… Pourvu que cela continue ! » L’église lui parut misérable, triste et sombre, avec sa voûte basse, écrasée, et ses massifs piliers qui supportaient des arcs d’un dessin vulgaire. « Une vraie caverne ! pensa-t-il. Le bon Dieu doit joliment s’embêter là dedans. » Puis, il examina les prêtres, venus des paroisses voisines, pour assister à la cérémonie, lesquels l’examinaient aussi, d’un coup d’œil furtif, sournoisement glissé, derrière le psautier. Et il pensa, en réprimant une grimace, et en couvrant d’encens et de prières le défunt : « Et c’est avec ça qu’il faudra que je vive ! Ça va être gai !… Où donc ai-je vu toutes ces vilaines faces ? » Il en remarqua un, aux cheveux luisants de pommade, dont la figure grassouillette et très rose lui semblait particulièrement connue : « Parbleu ! se rappela-t-il… Je crois bien… C’est le lapin du séminaire ! »

Au cimetière, tandis qu’il chantonnait des versets latins, il aperçut, près de la fosse, une botte de paille. S’interrompant tout à coup :