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vêque lui faisait l’effet d’un tout petit oiseau, d’un tout petit roitelet qui serait venu, confiant, se poser sur son épaule, et qu’il aurait pris dans ses mains, et qu’il aurait, lentement, étouffé… L’évêque poursuivit avec efforts :

— Nous avons une cure vacante… la cure de Randonnai… C’est une bonne cure… J’ai pensé à vous la réserver, car je ne veux pas de scandale. Il y aura, peut-être, des difficultés, mais je m’arrangerai… Retournez chez votre mère… je lui ai écrit que vous aviez besoin de repos… Elle vous attend… Faites une pieuse retraite… et priez, priez beaucoup, monsieur l’abbé… priez énormément.

Jules défaillait sous l’émotion. Il aurait voulu exprimer ce qu’il ressentait d’infiniment doux et d’infiniment cruel aussi. Il ne le pouvait pas. Quelque chose d’inconnu encore paralysait son cerveau, son cœur, sa langue, et, devenu stupide, il continuait de bégayer :

— Monseigneur ! Ç’a été un moment de folie… de… de… folie !

— Moi aussi, je prierai pour vous, monsieur l’abbé, fit l’évêque, dont la voix s’altéra.

Et se levant :

— Adieu !… Remontez dans votre chambre… J’ai donné l’ordre qu’on vous y serve à dîner.

Le soir, dans son lit, Jules, qui ne pouvait s’endormir, songeait, en pensant au Père Pamphile et à l’évêque :

— Sont-ce des saints ?… Sont-ce des imbéciles ?…