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pouvoirs publics et, par-dessus tout cela, une telle revendication haineuse des droits de l’Église, un si ardent appel à la guerre religieuse, que les plus intolérants, parmi les diocésains, sentant la cause impopulaire et peu soucieux de la défendre, se mirent à crier comme les autres, et à demander justice. L’effervescence fut telle que, le soir même, des groupes d’ouvriers, de gamins et de petits bourgeois, brandissant des drapeaux tricolores, et chantant la chanson de la reine Hortense, vinrent hurler autour de l’évêché, dont ils brisèrent les vitres, à coups de pierres. De province, l’affaire eut vite gagné Paris ; de Paris, la France. En quelques jours, le mandement de l’abbé Jules avait pris les proportions d’un gros événement européen. Il mettait toutes les chancelleries en branle, tendait tous les regards vers Rome, mystérieuse et muette, déchaînait la presse. Et le pauvre évêque, si ennemi du bruit, occupait l’attention universelle.

Dès la première minute de l’extraordinaire nouvelle — car les formalités légales de dépôt n’avaient pas été remplies — le préfet était parti pour Paris. Le ministre des cultes avait mandé l’évêque. Entre la France et le Saint-Siège, c’était un échange fiévreux de correspondances, d’explications, de rapports, une allée et venue continuelle de courriers de cabinet. Et le Conseil d’État, solennellement, délibérait. Dans les cafés, dans les cercles, dans les salons, chacun commentait la grave question du jour. On surprenait, les