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Et les vois-tu ces yeux énigmatiques, ces yeux hagards, ces yeux de douloureux fumiste… les vois-tu, à travers le bridement des paupières, dans la fadeur de cette face grasse et de ces cheveux filasse ?… Brrr !… Oui, mais voilà, Delacroix, avec tout son génie, vivait dans une époque bête… bête… Tiens !… Hugo !… Ce qu’il me rase, celui-là !… Mais qu’est-ce qu’il a vu ?… Qu’est-ce qu’il a compris ?… J’aime mieux le vent dans les pins, et les orgues dans les églises… Au moins, ça ne fait pas de discours, et ça dit quelque chose… Mazette !…

Nous restions là, deux heures. Lucien riait aux calembours des bourgeois, et il pinçait les cuisses de la bonne, quand celle-ci passait près de lui. Il avait une tenue vulgaire qui me faisait de la peine. Mais j’aimais encore mieux le voir ainsi.

— Ah ! Monsieur Lucien ! minaudait la bonne… Finissez donc, à la fin !

Et Lucien, avec un geste grossier et bon enfant, répondait :

— C’est pour rire, ma petite chatte… Moi, tu sais, je ne couche qu’avec ma peinture… Et ça suffit à mon tempérament…