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tu penses que tu ne sais pas assez, ne peux-tu donc apprendre ?… Il me semble que tu le pourrais… Tu garderas ton imagination, tes emballements… puisque tu es fait de ces choses… Mais en t’imposant un travail tout bête, en copiant les formes de la nature, tu acquerras le métier qui te manque… Et, plus tard, tu réaliseras tout ce que tu rêves…

— Non ! Il est trop tard… Le poison est dans mon sang, dans mes muscles. Il a paralysé ma main… Je ne puis plus !… Je ne puis rien !… je suis fichu !

Et après un moment de silence :

— Retourner là-bas !… Je vais m’affoler plus encore dans l’énormité de mon ciel !… Oui, j’ai la terreur de ce ciel !… Rester ici ?… Mais j’entendrai, toute la journée, les voix maudites me corner aux oreilles : « Du lys !… du lys ! du lys ! »

Lucien se leva, fouetta l’air de sa canne, et au grand étonnement d’un monsieur qui passait près de nous, il s’écria d’une voix tonnante :

— Du lys !… Du lys !… De la m… !