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Germaine. — Vous vous trompez, je suis très heureuse.

Le Jardinier. — Non, Mademoiselle… Je vous connais bien, allez ! Quand on a un cœur comme le vôtre, on ne peut pas être heureuse ici !…

Par delà le parc, il montre la campagne,
le petit village au loin.

Germaine. — Et votre femme ? La verrai-je ?

Le Jardinier. — Bien sûr… Elle est à la ville… Elle est allée chercher une voiture pour emmener nos meubles et nos pauvres frusques…

Germaine. — Pourquoi ?… Il ne manque pas de voitures ici…

Le Jardinier. — Ça vaut mieux comme ça… Chacun chez soi… On a sa petite fierté…

Germaine. — Adieu, alors !… Vous me donnerez de vos nouvelles ?

Le Jardinier. — Oui, Mademoiselle…

Germaine. — Adieu !

Le Jardinier. — Adieu !


Le jardinier s’en va, gauche, pesant, le dos déjà courbé, la nuque cuite comme une brique, par le soleil… Germaine, plus grave, plus triste, plus songeuse, reprend sa promenade lente, le long des plates-bandes… Le château et la terrasse redeviennent silencieux… Toujours les trois molosses dorment sur les marches, et l’on n’entend plus que le bruit du râteau, sur le sable d’une allée, au loin…