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— Vous êtes bien gaie, grince-t-elle, pour une personne dans votre position.

Puis, glacialement :

— Enfin… je verrai… je réfléchirai… Nous prierons pour vous… Revenez dans une semaine.

Et elle la congédie…

Ma voisine n’était pas très fière de cet accueil… Mais, une fois dans la rue, parmi le mouvement et la vie, elle oublie l’inutilité de sa démarche et ce que cela va lui valoir de surcroît de misère. Et elle se met à rire, si longtemps et si fort, que les passants se retournent et pensent, sans doute, qu’elle est folle…

Le travail ne venant toujours pas, elle retourne, la semaine écoulée, au couvent… La Mère lui dit :

— Je n’ai rien… Nous n’avons rien… Allez voir le Révérend Père X… il connaît beaucoup de monde… et il est si bon, si bon, au confessionnal !…

La jeune fille fait la grimace. Elle est venue chercher du travail, pas un confesseur… Pourtant, elle se décide à descendre au parloir, et conte sa petite affaire au Révérend Père X…

— Ah ! ah ! lui dit cet homme pieux… C’est fort touchant… Mais la peinture, mon enfant, voilà une chose bien aléatoire… Quant à la broderie, je n’ai pas ça… non, non… en vérité, je n’ai pas ça ! Mais, par exemple, peut-être pourrais-je vous trouver un mari… un bon mari… assez riche et très pieux… et bien pensant…