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LE RIDEAU LEVÉ


sous le voile du mystère ! Mais si elles conservent leur réputation sous ses apparences, elles font bien, et mieux encore si elles ont la prudence de mettre un frein à leur langue sur la conduite des autres, modération qui détourne les curieux ou les intéressés de l’examen recherché qu’ils pourraient faire. Encore une fois ce n’est pas dans le fait, c’est dans les manières et par un mauvais choix, qu’on se perd.

Je m’aperçus bientôt que mon père les étudiait avec attention ; il jugea Vernol et sa sœur. Il me dit que Rose en savait plus que sa nourrice ne lui en avait enseigné, et que si sur le plaisir et la jouissance elle était plus ignorante que moi, ce dont il doutait, elle avait grande disposition à en apprendre davantage, et que si j’étais curieuse de juger de ses connaissances, je pouvais l’éprouver. Les différents badinages où je l’engageai depuis me mirent à même d’emporter le même jugement, mais il s’expliqua peu sur Vernol.

Mes talents s’étaient perfectionnés ; musicienne pinçant la harpe avec délicatesse, chantant avec goût, déclamant avec intelligence, j’avais encore formé une société où j’admis Rose et Vernol. Bientôt il eut par là le moyen de me faire apercevoir la passion qu’il avait prise pour moi. Il me cherchait, il me suivait sans cesse ; les prétextes ne lui manquaient pas. Ses gestes étaient animés, remplis d’attention, de soins, de complai-