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LE RIDEAU LEVÉ


toute ta personne en étaient les principaux mobiles ; la scène y ajoutait, mais Vernol n’y était pour rien. Je t’avoue même que le goût de beaucoup d’hommes pour leur sexe me paraît plus que bizarre, quoiqu’il soit répandu chez toutes les nations de la terre ; outre qu’il viole toutes les lois de la nature, il me paraît extravagant, à moins qu’on ne se trouve dans une disette absolue de femmes ; alors la nécessité est la première de toutes les lois. C’est ce qu’on voit dans les pensions, dans les collèges, dans les vaisseaux, dans les pays où les femmes sont renfermées ; et ce qu’il y a de malheureux, ce goût, une fois pris, est préféré. Je ne vois pas du même œil celui des femmes pour le leur ; il ne me paraît pas extraordinaire, il tient même plus à leur essence, tout les y porte, quoiqu’il ne remplisse pas les vues générales, mais au moins il ne les distrait pas ordinairement de leur penchant pour les hommes. En effet, la contrainte presque générale où elles se trouvent, la clôture sous laquelle on les tient, les prisons dans lesquelles elles sont renfermées chez presque toutes les nations, leur présentent l’idée illusoire du bonheur et du plaisir entre les bras d’une autre femme qui leur plaît ; point de dangers à courir, point de jalousie à essuyer de la part des hommes, point de médisance à éprouver, une discrétion certaine, plus de beautés, de grâces, de fraîcheur et de mignardises. Que de raisons, chère enfant, pour les