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Péché, lequel altéra le premier toutes les choses, et d’incorruptibles les rendit corruptibles.

« Au commencement j’avais créé l’homme doué de deux beaux présents, de bonheur et d’immortalité : le premier il l’a follement perdu ; la seconde n’eût servi qu’à éterniser sa misère ; alors je l’ai pourvu de la mort ; ainsi la mort est devenue son remède final. Après une vie éprouvée par une cruelle tribulation, épurée par la foi et par les œuvres de cette foi, éveillé à une seconde vie dans la rénovation du juste, la mort élèvera l’homme vers moi avec le ciel et la terre renouvelés.

« Mais appelons maintenant en congrégation tous les bénis, dans les vastes enceintes du ciel ; je ne veux pas leur cacher mes jugements ; qu’ils voient comment je procède avec l’espèce humaine, ainsi qu’ils ont vu dernièrement ma manière d’agir avec les anges pécheurs : mes saints, quoique stables dans leur état, en sont demeurés plus affermis. »

Il dit, et le Fils donna le grand signal au brillant ministre qui veillait ; soudain il sonna de sa trompette (peut-être entendue depuis sur Oreb quand Dieu descendit, et qui retentira peut-être encore une fois au jugement dernier). Le souffle angélique remplit toutes les régions : de leurs bosquets fortunés qu’ombrageait l’amarante, du bord de la source, ou de la fontaine, du bord des eaux de la vie, partout où ils se reposaient en sociétés de joie, les fils de la lumière se hâtèrent, se rendant à l’impérieuse sommation ; et ils prirent leurs places, jusqu’à ce que du haut de son trône suprême, le Tout-Puissant annonça ainsi sa souveraine volonté :

« Enfants, l’homme est devenu comme l’un de nous ; il connaît le bien et le mal depuis qu’il a goûté de ce fruit défendu ; mais qu’il se glorifie de connaître le bien perdu et le mal gagné : plus heureux s’il lui avait suffi de connaître le bien par lui-même, et le mal pas du tout. À présent il s’afflige, se repent et prie avec contrition : mes mouvements sont en lui ; ils agissent plus longtemps que lui ; je sais combien son cœur est variable et vain, abandonné à lui-même. Dans la crainte