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Les uns des autres que ceci : qu’il faudra s’habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit
Des disparus, tout seul, sans amour et sans lampe.
Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même allée :

Et (dans l’après-midi d’automne), au détour de l’allée,
Là où le beau chemin descend peureusement, comme la femme
Qui va cueillir les fleurs de la convalescence — écoute, mon enfant, —
Nous nous rencontrerons, comme jadis ici ;

Et tu as oublié, toi, la couleur d’alors de ta robe ;
Mais moi, je n’ai connu que peu d’instants heureux.
Tu seras vêtu de violet pâle, beau chagrin !
Et les fleurs de ton chapeau seront tristes et petites

Et je ne saurai pas leur nom : car je n’ai connu dans la vie
Que le nom d’une seule fleur petite et triste, le myosotis,
Vieux dormeur des ravins au pays Cache-Cache, fleur
Orpheline. Oui oui, cœur profond ! comme dans cette vie.

Et le sentier obscur sera là, tout humide
D’un écho de cascades. Et je te parlerai
De la cité sur l’eau et du Rabbi de Bacharach
Et des Nuits de Florence. Il y aura aussi

Le mur croulant et bas où somnolait l’odeur
Des vieilles, vieilles pluies, et une herbe lépreuse,
Froide et grasse secouera là ses fleurs creuses
Dans le ruisseau muet.


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