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l’utilitarisme

de montrer que si ces croyances morales ont atteint un certain degré de consistance ou de stabilité c’était grâce à l’influence tacite d’un principe non reconnu ouvertement. L’absence d’un premier principe admis a fait de la morale non pas tant le guide que la consécration des sentiments actuels de l’humanité. Cependant, comme ces sentiments, composés de sympathie et d’antipathie, sont principalement influencés par l’effet des choses sur le bonheur, le principe d’utilité, ou, comme l’appelait Bentham, le principe du plus grand bonheur, a eu une large part dans la formation des doctrines morales, même de celles qui rejettent avec plus de mépris l’autorité de ce principe. Aucune école ne refuse d’admettre l’influence des actions sur le bonheur comme une considération essentielle et prédominante dans beaucoup de détails de morale ; cependant, beaucoup refusent de faire de cette influence le principe fondamental de la morale et la source de l’obligation morale. Je puis aller plus loin : les arguments utilitaires sont indispensables à tous ces moralistes a priori. Je ne me propose pas de faire maintenant la critique de ces penseurs, mais je ne puis m’empêcher de faire allusion, pour éclaircir la question, à un traité systématique composé par un des plus grands d’entre