Page:Mill - L'Utilitarisme.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
preuve du principe d’utilité

pas naturellement et originairement partie du but, mais est capable de le devenir : elle le devient dans ceux qui l’aiment d’une manière désintéressée ; ceux-là la désirent et la chérissent non comme un moyen de bonheur, mais comme partie de leur propre bonheur. Pour que ceci soit plus clair, nous devons rappeler que la vertu n’est pas la seule chose qui, considérée d’abord et nécessairement comme moyen, se soit ensuite associée avec son but et soit devenue alors désirable en elle-même. Que dirons-nous par exemple de l’amour de l’argent ? À l’origine on n’a pas dû désirer l’argent plus qu’on ne désirait un tas de cailloux brillants. Il n’a d’autre valeur que celle des choses qu’il paie ; on le désire non pour lui-même, mais pour les choses qu’il permet d’acquérir. Cependant l’amour de l’argent n’est pas seulement une des plus grandes forces motrices de la vie humaine, dans beaucoup de cas on désire l’argent pour lui-même. Le désir de le posséder est souvent plus fort que le désir d’en user, il va toujours grandissant jusqu’à ce qu’il absorbe et domine tous désirs des objets qu’on obtiendrait par lui. On peut alors dire que l’argent n’est pas désiré pour le but où il mène, mais comme partie du but. D’abord moyen d’atteindre le bonheur, il est arrivé à être lui-même un élément principal de