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ce que c’est que l’utilitarisme

Rien ne s’oppose à ce qu’une culture d’esprit suffisante pour faire prendre de l’intérêt aux choses de l’intelligence soit l’héritage de quiconque naît dans un pays civilisé. L’homme n’est pas non plus nécessairement une créature égoïste ne s’occupant que de ce qui peut se rapporter à sa misérable individualité. Les natures supérieures sont, même aujourd’hui, assez nombreuses pour donner une idée de ce que pourrait être l’humanité. Chaque être humain, à des degrés différents, est capable d’affections privées naturelles, et d’intérêt sincère pour le bien public. Dans un monde où il y a tant de choses intéressantes, tant d’autres agréables et surtout tant à réformer, à améliorer, l’homme qui possède un ensemble moyen de facultés nécessaires, peut se faire une existence enviable. Et s’il peut user des sources de bonheur qui sont à sa portée, s’il échappe aux malheurs positifs de la vie, l’indigence, la mort, la solitude sans affection, il ne manquera pas de se créer cette existence enviable. Le point capital du problème, c’est la lutte contre ces calamités auxquelles on échappe rarement complètement, et que les moyens matériels ne peuvent ni éviter ni adoucir. Cependant les hommes sérieux ne doutent pas qu’on puisse remédier à quelques-uns des grands maux positifs ; si l’humanité continue à