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l’utilitarisme

absurde de ne considérer que la quantité lorsqu’il s’agit d’évaluer les plaisirs.

Si l’on me demande ce que j’entends par différence de qualité dans les plaisirs, ou comment la valeur d’un plaisir comparé à un autre peut être connue autrement que par un rapport de quantité, je ne vois qu’une seule réponse possible. Si entre deux plaisirs, tous ou presque tous ceux qui les ont expérimentés choisissent l’un des deux, sans être influencés par aucun sentiment d’obligation morale, celui-là sera le plaisir le plus désirable. Si l’un de ces deux plaisirs est placé par les gens compétents très au-dessus de l’autre quoiqu’il soit difficile à atteindre, si on refuse d’abandonner sa poursuite pour la possession de l’autre, on peut assurer que le premier plaisir est bien supérieur au second en qualité quoiqu’il soit moindre peut-être en quantité.

Il est un fait indiscutable : ceux qui connaissent et apprécient deux sortes de manière de vivre donneront une préférence marquée à celle qui emploiera leurs facultés les plus élevées. Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux les plus bas si on leur promettait la complète jouissance des plaisirs des bêtes ; aucun homme intelligent ne consentirait à devenir imbécile, aucune per-