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rapport entre l’utilité et la justice

peu de bienfaits. Ne pas répondre à une espérance fondée, c’est causer un tort dont l’importance est prouvée par ce fait que c’est ce qui constitue la criminalité principale de deux actes hautement immoraux, trahir l’amitié et manquer à une promesse. Pour un homme, il est peu de blessure plus profonde que celle qu’il reçoit lorsqu’un ami sur lequel il avait l’habitude de compter l’abandonne à l’heure où il en aurait besoin ; aucun refus de faire du bien n’excite plus de ressentiment et de la part de celui qui est blessé et de la part du spectateur qui sympathise. Donc le principe, donnez à chacun ce qu’il mérite, c’est-à-dire le bien pour le bien, le mal pour le mal, n’est pas seulement enfermé dans l’idée de justice telle que nous l’avons définie, mais il est encore la cause de l’intensité du sentiment qui, dans l’estime des hommes, place le Juste au-dessus de la simple Utilité.

Beaucoup de maximes qui ont cours dans le monde, auxquelles le monde fait appel dans ses transactions, ne sont que des instruments pour faire passer dans la pratique les principes de justice dont nous venons de parler. Une personne n’est responsable que de ses actes volontaires ; il est injuste de condamner une personne sans l’entendre ; le châtiment doit être proportionné au crime, et d’autres semblables sont des