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l’utilitarisme

D’autres, au contraire, trouvent que cette considération est tout, et maintiennent qu’il est injuste, du moins, pour l’homme, d’infliger à son semblable, quel que soit son crime, un total de peine dépassant ce qui suffirait pour l’empêcher d’y retomber, et pour empêcher les autres d’imiter sa mauvaise conduite.

Prenons un autre exemple, sur un sujet déjà connu. Dans une association industrielle coopérative, est-il juste ou non que le talent ou le savoir donnent droit à une rémunération supérieure ? Ceux qui répondent négativement disent : quiconque fait de son mieux mérite également et ne doit pas, en justice, être mis dans une position d’infériorité sans qu’il y ait faute de sa part ; les capacités supérieures ont déjà trop d’avantages par l’admiration qu’elles excitent, trop d’influence personnelle, trop de sources intimes de satisfaction, sans qu’on y ajoute encore une quantité supérieure de biens du monde ; pour être juste, la société devrait plutôt compenser les inégalités imméritées au lieu de les accuser davantage. D’un autre côté, les partisans de l’affirmation disent : la société reçoit davantage de celui qui produit plus : ses services étant plus utiles, la société doit les payer plus largement ; une plus grande partie du résultat commun est son œuvre ; ne pas faire droit à ce qu’il