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convenable. Il ne l’acceptait donc pas, et ne pouvait rien donner à l’auteur. »

Schiller contint sa rage; il ne laissa pas échapper un mot qui trahît son agitation. Mais il résolut de quitter la ville sur-le-champ. Sa montre était vendue ; depuis quinze jours, il vivait à crédit dans une auberge. Un seul espoir lui restait; le manuscrit de son drame lui vaudrait peut-être une légère somme. Il courut chez un libraire, en obtint un louis la feuille, paya l’hôte, fil de muels adieux à Streicher et partit pour la Saxe avec le désespoir au fond de l’àme.

C’est là que Mme de Wolzogen, la mère d’un de ses compagnons d’études, lui avait offert un asile dans un petit village nommé Bauerbach et situé près de Meinungen. II n’aurait pu choisir une plus agréable retraite. Un vieux château domine le bourg, des sapins l’environnent, et de hautes montagnes composent une seconde enceinte derrière ces ténébreuses forêts. La nature n’y témoigne à l’homme aucune pitié; mais une sauvage harmonie s’exhale pour ainsi dire de ses abîmes, et sa colossale grandeur ne laisse pas oublier la puissance infinie qu’elle révèle. Schiller s’y établit donc en 1782, à la fin du mois de décembre. Il arriva le soir, au moment où la nuit descendait sur la vallée. Une neige épaisse couvrait la terre; les fenêtres des maisons élincelaient parmi les arbres, comme des lanternes suspendues aux rameaux