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âge de soixante-douze ans ne me permettait pas d’être la voix forte qu’il eût fallu. Mais la chose était si criante que, même sans être Français, on eût pu en être ému. Les dérisions de l’ennemi ne me perçaient pas tant le cœur que l’abandon de nos amis. J’avais constamment le songe de 1400, du temps de Charles VII, la vision de celui qui voyait le vainqueur trônant autour de Notre-Dame, et la France humiliée qui pleurait dans le Parvis.

Dans ce grand silence, seul en Europe je parlai. Mon livre que je fis en quarante jours fut la première, et longtemps la défense unique de la Patrie. Traduit en plus d’une langue, spécialement en anglais, il rompit l’unanimité de malveillance que l’or de M. de Bismarck avait facilement obtenue. Des voix jeunes, éloquentes, s’élevèrent, et même de Londres, pour nous. La conscience publique fut avertie, de la Tamise au Danube. L’Autriche et l’héroïque Hongrie insérèrent par fragments mon livre en leurs journaux. J’intitulai ce cri du cœur : la France devant l’Europe, lui donnant pour épigraphe ce grave avis d’avenir : Les juges seront jugés (janvier 1871)[1].

  1. Ce que ne dit pas l’auteur de ce livre, c’est qu’il a été vendu