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bataille durait. Le grand parti royaliste, quelque coup qu’il eût reçu, restait tout entier. Aux royalistes purs il fallait joindre la masse des royalistes constitutionnels, les vingt mille bourgeois qui avaient signé la protestation contre le 20 juin et s’étaient ainsi compromis pour le roi sans retour. Personne, même après le 10 août, ne voyait bien nettement à qui, en dernier lieu, resterait l’avantage. Le 10, beaucoup avaient eu peur de ne pas être vus avec les vainqueurs. Le 11, beaucoup avaient peur d’être obligés de garder le roi. Santerre, le nouveau commandant de la garde nationale, ne trouvait nulle obéissance ; deux adjudants refusèrent positivement d’aller garder le roi aux Feuillants. Santerre fut obligé d’avouer à la Commune « que la diversité des opinions faisait qu’il avait peu de force ». Et en même temps, un député, Thuriot, vint déclarer qu’il avait connaissance d’un projet pour enlever la famille royale.

La Commune, par l’organe de son procureur, Manuel, déclara à l’Assemblée que si l’on mettait le roi au Luxembourg, ou, comme on voulait encore, au ministère de la justice, elle n’en répondait plus. L’Assemblée lui donna le soin de choisir le lieu, et elle choisit le Temple, donjon isolé, vieille tour, dont on refit le fossé. Cette tour, basse, forte, sombre, lugubre, était l’ancien trésor de l’ordre des Templiers. C’était, depuis longtemps, un lieu délabré, à peu près abandonné. Lieu marqué d’une bizarre fatalité historique. La royauté y brisa le Moyen-âge par la main de Philippe-le-Bel. Et elle-même y revint