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le premier cri. Tout à l’heure, nous allons voir Madame Roland donner à l’idée républicaine la force morale de son âme stoïque et son charme passionné.

Nous ne sommes pas de ceux qui s’exagèrent l’influence individuelle. Pour nous, le fond essentiel de l’histoire est dans la pensée populaire. La république, sans nul doute, flottait dans cette pensée. Presque tout le monde en France l’avait, à l’état négatif, sous cette forme : Le roi est désormais impossible. Beaucoup d’hommes l’avaient déjà sous la forme positive : La France désormais doit se gouverner elle-même. Néanmoins, pour que cette idée, générale encore, arrivât à sa formule spéciale et applicable, il fallait qu’elle fermentât dans un foyer circonscrit, qu’elle y prît chaleur et lumière, que, du choc des discussions, partît l’étincelle.

Ici il faut que je m’arrête et que j’envisage sérieusement la société du temps. Je laisserais cette histoire profondément obscure, si j’en donnais les actes extérieurs, sans en dévoiler les mobiles. À juger seulement ces actes, à voir l’indécision des meneurs politiques, telle qu’on l’a pu voir tout à l’heure, qui soupçonnerait un monde si ardent, si passionné ?

Qu’on me reproche, si l’on veut, ce qu’on appellera une digression, et ce qui est en effet le cœur du sujet et le fond du fond. La première condition de l’histoire, c’est la vérité. Je ne sais trop d’ailleurs si la construction sévèrement géométrique où se plaisent nos modernes est toujours conciliable avec