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toutes les forces au profit de l’ordre. Peut-être, en effet, La Fayette n’était-il pas encore irrévocablement décidé. Ce fut très probablement pour le fixer au royalisme que son intime ami, le duc de La Rochefoucauld, convoqua une réunion de députés chez lui et fit débattre la question de la république. Ce grand seigneur avait été, avant la Révolution, l’ami, le père des philosophes, le centre et l’appui de toutes les sociétés philanthropiques. Il avait poussé vivement au mouvement de 1789 ; en 1791, il s’effrayait, il eût bien voulu reculer. Il fit discuter solennellement chez lui la thèse de la république devant ceux qui flottaient encore, voulant finir par un débat contradictoire le débat intérieur qui agitait leurs esprits. Le royaliste Dupont de Nemours se fit (comme on fait dans les controverses théologiques) l’avocat du diable, je veux dire de la république. Le diable, c’est ce qui lui arrive toujours en pareil cas, fut tué sans difficulté, et la république jugée impossible, la France déclarée royaliste.

La Rochefoucauld, dans cette discussion, assurait avoir une préférence naturelle pour la république ; c’était lui qui, le premier, avait autrefois fait traduire les constitutions des États-Unis. Mais enfin il était battu, la France était royaliste, elle l’avait dit elle-même dans les cahiers de 1789. C’était aussi l’opinion de la grande autorité du temps, l’oracle de Sieyès, que l’on ne manquait pas de consulter en toute occasion solennelle, et qui, dans celle-ci, dit et imprima que le gouvernement monarchique était celui qui