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je fus m’asseoir près d’un lit, accablée, anéantie, m’assoupissant parfois ; et, lorsque je voulais parler, je déraisonnais. Danton vint se coucher, il n’avait pas l’air fort empressé, il ne sortit presque point. Minuit approchait ; on vint le chercher plusieurs fois ; enfin il partit pour la Commune. Le tocsin des Cordeliers sonna, il sonna longtemps. Seule, baignée de larmes, à genoux sur la fenêtre, cachée dans mon mouchoir, j’écoutais le son de cette fatale cloche… Danton revint. On vint plusieurs fois nous donner de bonnes et de mauvaises nouvelles ; je crus m’apercevoir que leur projet était d’aller aux Tuileries ; je le leur dis en sanglotant. Je crus que j’allais m’évanouir. Mme Robert demandait son mari à tout le monde. « S’il périt, me dit-elle, je ne lui survivrai pas. Mais ce Danton, lui, ce point de ralliement ! si mon mari périt, je suis femme à le poignarder… » Camille revint à une heure ; il s’endormit sur mon épaule… Mme Danton semblait se préparer à la mort de son mari. Le matin, on tira le canon. Elle écoute, pâlit, se laisse aller et s’évanouit…

« Qu’allons-nous devenir, ô mon pauvre Camille ? Je n’ai plus la force de respirer… Mon Dieu ! s’il est vrai que tu existes, sauve donc des hommes qui sont dignes de toi… Nous voulons être libres ; ô Dieu, qu’il en coûte !… »

fin du tome troisième.