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Non, non, homme que la générosité des Français n’a pu émouvoir, homme que le seul amour du despotisme a pu rendre sensible, vous n’avez pas rempli le vœu de la constitution ! Elle est peut-être renversée ; mais vous ne recueillerez pas le fruit de votre parjure ! Vous ne vous êtes point opposé par un acte formel aux victoires qui se remportaient en votre nom sur la liberté, mais vous ne recueillerez point le fruit de ces indignes triomphes ! Vous n’êtes plus rien pour cette constitution que vous avez si indignement violée, pour ce peuple que vous avez si lâchement trahi ! » (Applaudissements réitérés.)

L’effet fut celui d’une trombe. Le mouvement, longtemps, habilement balancé, augmenté, croissant de force et de vitesse, de plus en plus grand et terrible, devint inéluctable. Personne n’y échappa. L’Assemblée tout entière passa au puissant tourbillon, elle en fut enlevée. Feuillants et fayettistes, royalistes constitutionnels, de toute nuance, ils se trouvèrent d’accord avec leurs ennemis, et tous ensemble poussèrent des cris d’enthousiasme. Telle est donc la tyrannie de l’éloquence, qu’on ne puisse y échapper ! Ou plutôt devons-nous croire que tous, Français au fond, oublièrent le discours, et l’homme, et le parti, leur propre opinion, et, dans cette voix solennelle, reconnurent, malgré eux, la voix de la patrie ?

Mais lorsqu’un député, Torné, proposa nettement à l’Assemblée, ce qui était pourtant la conclusion