Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/513

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chanté des Marseillais à l’assaut des Tuileries, il brise le trône au 10 août. On l’appelle la Marseillaise. Il est chanté à Valmy, affermit nos lignes flottantes, effraye l’aigle noir de Prusse. Et c’est encore avec ce chant que nos jeunes soldats novices gravirent le coteau de Jemmapes, franchirent les redoutes autrichiennes, frappèrent les vieilles bandes hongroises, endurcies aux guerres des Turcs. Le fer ni le feu n’y pouvaient ; il fallut pour briser leur courage, le chant de la liberté.

De toutes nos provinces, nous l’avons dit, celle qui ressentit peut-être le plus vivement le bonheur de la délivrance en 1789, ce fut celle où étaient les derniers serfs, la triste Franche-Comté. Un jeune noble franc-comtois, né à Lons-le-Saulnier, Rouget de Lisle, trouva le chant de la France. Rouget de Lisle était officier de génie à vingt ans. Il était alors à Strasbourg, plongé dans l’atmosphère brûlante des bataillons de volontaires qui s’y rendaient de tous côtés. Il faut voir cette ville, en ces moments, son bouillonnant foyer de guerre, de jeunesse, de joie, de plaisir, de banquets, de bals, de revues, au pied de la flèche sublime qui se mire au noble Rhin ; les instruments militaires, les chants d’amour ou d’adieux, les amis qui se retrouvent, se quittent, s’embrassent aux places publiques. Les femmes prient aux églises, les cloches pleurent, et le canon tonne, comme une voix solennelle de la France à l’Allemagne.

Ce ne fut pas, comme on l’a dit, dans un repas de famille que fut trouvé le chant sacré. Ce fut dans