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jetèrent devant le roi, en tirant leurs sabres ; mais il les fit rengainer.

Un témoin oculaire, M. Perron, dit qu’en général le peuple ne témoignait aucune malveillance. On distinguait cependant, parmi les cris confus, des injonctions menaçantes : « À bas le veto ! Rappelez les ministres ! »

La foule s’ouvre et laisse arriver Legendre ; le bruit cesse ; le boucher, d’une voix émue et colérique, s’adressant au roi : « Monsieur !… » À ce mot, qui est déjà une sorte de déchéance, le roi fait un mouvement de surprise… « Oui, Monsieur, reprend fermement Legendre ; écoutez-nous, vous êtes fait pour nous écouter… Vous êtes un perfide ; vous nous avez toujours trompés ; vous nous trompez encore… Mais prenez garde à vous ; la mesure est à son comble ; le peuple est las de se voir votre jouet. » — Puis il lut une pétition violente, au nom du peuple souverain. — Le roi parut impassible et répondit : « Je suis votre roi. Je ferai ce que m’ordonnent de faire les lois et la constitution. »

Ce dernier mot était pour lui le grand cheval de bataille. Il avait vu parfaitement que cette constitution de 1791, qui permet au roi d’arrêter toute la machine politique, était un brevet d’inertie, qui lui donnait moyen de lier la France, d’attendre les secours imprévus qui viendraient des circonstances intérieures ou extérieures, des excès des anarchistes ou de l’invasion étrangère. — Dès lors, Louis XVI, tenant bien la constitution, l’apprenant par cœur, la portant tou-