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Près de Sainte-Menehould, les cris redoublèrent encore. Le roi et la reine, alarmés, déclarèrent qu’ils s’arrêteraient, qu’ils n’iraient pas plus loin. Un envoyé du conseil municipal de Paris essayait de les rassurer. Ils lui firent promettre, jurer sur sa tête qu’il ne leur arriverait rien à eux et aux leurs, ni en route, ni à Paris, et que, pour plus de sûreté, il ne les quitterait pas[1].

Personne n’en pouvait répondre. La vie de la famille royale semblait tenir à un fil. Parmi tant d’hommes furieux (beaucoup de plus étaient ivres), il était fort à craindre que, de rage aveugle ou d’ivresse, il ne partît au hasard des coups de fusil. Mais la rage se tournait surtout contre ceux qu’on supposait avoir emmené le roi. MM. de Choiseul et de Damas auraient péri certainement si l’aide de camp de La Fayette ne se fut fait arrêter avec eux. Les trois gardes du corps qui revenaient sur le siège de la voiture semblaient morts d’avance ; plusieurs fois les baïonnettes touchèrent leur poitrine ; personne pourtant ne tira sur eux. Il y avait même, au milieu des insultes, un reste d’égards pour le roi, de la pitié du moins pour son incapacité, pour sa faiblesse connue. Les enfants aussi, qu’on voyait à la portière, désarmaient la foule, étonnaient les plus furieux. Ils arrivaient, ce semble, tout prêts à frapper ; mais ils n’avaient pas songé aux enfants. Le doux visage de Madame Élisabeth lui conservait, à vingt-cinq ans, un charme

  1. Rapport de M. Bodan, envoyé du conseil municipal. (Archives de la Seine, carton 310 et registre 19, p. 95.)