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à l’avènement de François II, fanatique ennemi de la Révolution. Notre ambassadeur à Vienne, Noailles, était à peu près prisonnier dans son palais. Celui que nous envoyâmes à Berlin, Ségur, fut un objet de risée ; on fit courir le bruit qu’il était venu pour gagner de manière ou d’autre, par amour ou par argent, les maîtresses du roi de Prusse. Dans une audience publique, le roi lui tourna le dos et, s’adressant à l’envoyé de Coblentz, lui demanda comment se portait le comte d’Artois.

Nulle figure ne caractérise mieux peut-être la contre-révolution que le nouvel empereur, François II, dont le long règne commence. Borné, faible et violent, mal mêlé de deux natures, allemand né à Florence, faux Italien, faux allemand, c’était l’honnête homme des prêtres, un dévot machiavélique, dont l’âme, dure et bigote, n’en était pas moins facile au crime politique. C’est le François qui accepta des mains de son ennemi Venise, son alliée ; le François qui, par sa fille, commença la ruine de son gendre ; puis, une fois en Russie, l’attaqua par derrière, consomma sa ruine. Voyez-le dans les nombreux tableaux de Versailles où il est représenté. Est-il sûr que ce soit un homme ? Il va raide et sur des ressorts, comme la statue du Commandeur ou le spectre de Banquo. Pour moi, ce qui me fait peur, c’est que ce masque est frais et rose, dans sa fixité effrayante. Un tel être, visiblement, n’aura jamais de remords, il fait le crime en conscience. Le bigotisme impitoyable est lisiblement écrit sur cette face pétrifiée. Ce n’est