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Robespierre le serrait de près, disait, redisait ce mot, visiblement juste : « Le pouvoir exécutif est suspect, comment exécuterez-vous ? Ce pouvoir est le danger, l’obstacle, et qu’en faites-vous ? » — Brissot ne pouvait répondre sa pensée : « Nous le renversons. »

Cet état de ménagement, de réserve, de duplicité, faisait la faiblesse de la Gironde, d’ailleurs si forte en ce moment. Il y avait dans son fait, à l’égard du roi, une sorte d’hypocrisie qui lui faisait tort. Elle l’admettait, ce roi, elle ne l’attaquait pas encore de front. Elle le sommait d’être roi, d’agir comme un pouvoir constitué, mais, en même temps, par l’irritation de vexations successives, elle l’induisait en tentation, si je puis parler ainsi. Elle comptait le pousser jusqu’à ce qu’il fît quelque faute décisive, qui, le mettant en face du courroux de la nation, le ferait tomber en poudre.

Le 11 janvier, Narbonne, ayant, dans un voyage rapide, parcouru les frontières, vint rendre compte à l’Assemblée. Vrai compte de courtisan. Soit précipitation, soit ignorance, il fit un tableau splendide de notre situation militaire, donna des chiffres énormes de troupes, des exagérations de toute espèce, qui, plus tard, furent pulvérisées par un Mémoire de Dumouriez. Cependant, dans le discours élégant et chaleureux de Narbonne, où Madame de Staël avait certainement mis la main, il disait plusieurs choses d’un grand sens, que personne alors, il est vrai, ne pouvait comprendre bien. Il dit qu’il y avait