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d’autre crime, disait-elle, que de s’être moquée de Mme Mainvielle.

N’osant sauver les deux femmes et voulant à tout prix sauver l’aristocrate, Belley avait bien envie d’égorger la patriote.

Vers minuit, suivi de deux autres meurtriers, des plus féroces, il entre dans la prison et dit à la Ratapiole que le frère de M. Duprat est arrivé de Paris, qu’il est chez le général Jourdan, qu’il faut venir lui parler, qu’elle en sera quitte pour quelques excuses. La Ratapiole se mit à pleurer bien fort, à lui dire qu’elle était enceinte, qu’il eût pitié de son enfant. Ils insistaient pour l’emmener. Mais elle avait avec elle une petite fille de neuf ans, qui, le dimanche, quand on enleva sa mère de chez elle, se prit à ses jupes ; on ne put jamais l’en détacher, il fallut les traîner ensemble. Cette petite, ici encore, se pendit à sa mère pour l’empêcher de marcher. Puis elle sauta sur Belley, l’embrassa ; il la repoussa et la jeta à dix pas. Elle revint, d’un même bond, lui serra les bras au col : « Je veux que tu sauves maman. » Il commença d’être bien embarrassé. Les autres aussi perdaient contenance. « Et moi, dit naïvement Belley, qu’est-ce que je vais donc dire aux Mainvielle qui m’avaient tant recommandé de vous tuer ? Nous serons obligés de dire que vous y avez passé avec les autres. »

Ces deux femmes et un vieux frère convers de quatre-vingt-dix ans qui se retrouva encore furent sauvés effectivement. Jourdan mit des sentinelles à